tisser mille gestes mineurs,
l'improvisation en questions


Ce que peut un corps improvisant.
Laisser s’écouler ce qui afflige, ou quelques manières d’habiter l’épaisseur du chthulucène[1].
[manifeste de frontalières, en construction perpétuelle]
Ralentissant autant que possible, je me situe depuis le milieu (ici, avec Erin Manning) :
"Apprenez à écouter depuis le milieu des nombreuses conversations.
Connectez-vous au rythme. Pensez à cela comme à un paysage sonore (…)"[2]
Par le truchement de multiples jeux d'influences venant me mouvementer de toutes parts, j'atterris dans le petit « laboratoire portable »[3] tisser mille gestes mineurs, l’improvisation en questions[4].
Là, je passe du temps à écouter attentivement les multilogues interspécifiques qui maillent nos liens de vivants terrestres.
t_m_g_m consiste en des investigations de diverses natures, et surtout poétiques_pragmatiques, en « arts de l’attention »[5].
Sous l’identité de travail les frontalières[6], je joue à incarner une double posture, à la fois poïétique[7] et esthésique[8]:
rencontrer et être rencontré·e·s,
avec tous les sens et dans tous les sens possibles,
[par] le milieu dans lequel je fais une expérience en specTACTrice[9],
tissant et détissant une identité stable au gré des courants.
La question qui me mouvemente depuis 2007 est simple : je me demande ce qu’« improviser » peut vouloir dire.
Le postulat depuis lequel je m’engage dans le travail expérientiel est le suivant :
à l’instar de “vivre”,
“improviser” ne peut pas être
défini, expliqué ou compris,
autrement qu’en action.
Steve Paxton invite à « essayer de définir le mot [improvisation] en action » - « with trying to define the word in action »[10],
Erin Manning et Brian Massumi pointent la direction nécessaire d’une « pensée en acte »[11],
pendant que Donna Haraway fabrique des mots comme on tresse des paniers[12] :
"nous avons besoin d’un nom bon pour les forces et pouvoirs sym-chthoniens des dynamismes en cours dont les peuples humains font partie. Peut-être, mais seulement peut-être, et seulement sous condition d’un intense engagement, d’un travail collaboratif et de jeux avec d’autres Habitants de la Terre, l’épanouissement de riches assemblages multispécifiques incluant les personnes humaines sera possible.
Passé, présent, et à venir, j’appelle tout cela le Chthulucène (…)"[13]
Je me réfère à l’activité d’improviser depuis les expériences que j’en fais.
Je me situe en tant que membre d’un collectif flou et composite, que je désigne en tant que “les danseur·euse·s improvisatrices_teurs”[14] ; et depuis cet ancrage trouble, je me demande un instant :
que peut un corps improvisant ?
-
EMBROUILLES
Ce cheminement m’a amenée à me trouver souvent dans deux types d’expériences :
improviser, et écouter les improvisatrices_teurs lorsqu’ielles évoquent leurs pratiques de l’improvisation.
Il me semble qu’écouter les danseur·euse·s parler de ce qu’ielles font lorsqu’ielles dansent, fait partie de la pratique en improvisation ; un peu comme si parler de ce que nous faisons, laissant la parole émerger à partir de l’expérience tout juste passée, était une activité intriquée de façon très étroite avec l’activité de danser, et la prolongeait.
Le mouvement de réfléchissement qui opère ici s'ancre d'abord dans un constat : il y a des pratiques que des personnes désignent par le mot « improvisation », pourtant il semblerait que sous ce terme vient se glisser un amoncèlement de perspectives, d'activités, de croyances, d'ambitions, de discours, de relations au(x) vivant(·e·s), etc. aussi nombreuses et disparates qu'il y a de personnes improvisant ou plutôt, employant ce mot à propos de ce qu'ielles font.
Il pourrait donc sans doute être utile de commencer par cerner ce que je fais et ce que je vise lorsque j’emploie ici le mot improvisation.
Je me situe à ce stade après Steve Paxton, lorsqu’il envisage l’improvisation comme « phénomènes », dans un passage des Conversations in Vermont[15] intitulé Sur l’improvisation à propos d’un moment vécu dans les années 1980, alors qu’il était intervenu au Bennington College auprès d’un groupe d’apprenant·e·s en danse :
"(…) je leur ai demandé s'iels étaient prêt.e.s à improviser. Et iels ont dit oui. Et donc j'ai dit, "Eh bien faites-le," [rire] et iels l'ont fait ! C'est ainsi que nous avons commencé. Et donc, je leur ai demandé de définir pour moi [ce qu’est l’improvisation]. (…) Je pense qu'il s'agit de phénomènes, et que la question de savoir si c'est de l'art ou si c'est même une performance dans le sens normal, je pense que cela doit être questionné, mais le fait que c’est un phénomène (…) avec lequel on peut jouer, et dont on peut tirer de la matière, est tout à fait établi."[16]
Steve Paxton évoque ensuite l’improvisation en décrivant la posture d’une personne qui s’essaie à transmettre quelque chose des pratiques improvisées. Ce qui m’étonne dans ce passage c’est encore le geste de parler d’improvisation tout en semblant faire l’effort d’en dire le moins possible à ce sujet :
"Et j'ai commencé à réaliser que c'était moi qui définissais cette notion... que personne d'autre ne pouvait la définir pour moi. Et je pense qu'il est important de réaliser cela à propos de l’improvisation ; je veux dire, les gens qui enseignent l'improvisation, moi y compris ; j'ai entendu dire qu'elle peut être apprise, mais qu'il n'est pas possible de l'enseigner ; mais on peut aider les gens ; vous pouvez les mettre dans une position où iels peuvent apprendre. Vous pouvez les aider à apprendre, tout d'abord en utilisant simplement le mot et en leur suggérant d’essayer." [17]
2. DE-FINIR
Dans le même entretien parmi les Conversations in Vermont, Steve Paxton évoque The Tape Piece, qu’il désigne comme « le premier solo qu’[il a] fait, (…) qu’[il a] considéré comme de l'improvisation. (…) C'était en 1967. ». En se remémorant ce solo à partir de ses préoccupations du moment en 2001, Steve Paxton pointe un aspect de ce travail :
"J'ai donc reconnu que j'avais une collection d'habitudes et cela m'a fait voir qu'elles étaient là en dessous de ma volonté. Que si ma volonté me dirigeait dans l'espace, ou pour déplacer une certaine partie de mon corps, il était probable que ce soit dans le style de quelque chose que je connaissais déjà. (…)"[18]
Steve Paxton mentionne explicitement que ce qui se déroule lorsqu’il effectue une danse « improvisée » à ce moment-là n’est pas de l’ordre de l’émergence spontanée d’une danse qui naîtrait d’un espace de créativité nue, neuve, inédite. Nos habitudes de fonctionnement, nos apprentissages préalables, nos préférences esthétiques, nos tendances à nous relier et/ou à nous tenir à distance des autres vivant·e·s d’une manière ou d’une autre, etc., autant de processus non intentionnels, invisibles pour nous au moment où nous nous rassemblons dans l’action, qui composent les dimensions d’une danse improvisée, à l’insu des danseur·euse·s qui improvisent.
Je reprends les précédents éléments glanés dans les Conversations in Vermont pour proposer une non-définition sous forme de liste provisoire, de l’activité d’improviser, qui pourrait être envisagée pour le moment comme :
-
un mot, que nous pouvons essayer de définir en action ;
-
des phénomènes, avec lesquels nous pouvons jouer ;
-
une activité qui s’apprend, mais qui ne s’enseigne pas vraiment, et qui s’apprend avec le support d’autres personnes, et sur le mode de la suggestion : on lancerait par exemple le mot “improviser” dans un collectif, et on observerait ce qu’il se passe ;
-
une activité pré-volitionnelle, qui nous mobiliserait par l’intermédiaire des habitudes, habitudes que nous pourrions reconnaître, ou non, de façon à y devenir attentif·ves, ou pas ;
-
un flux de questions. Par exemple : que peut un corps improvisant ?
Dans L’expérience intuitive, Claire Petitmengin[19] écrit au sujet de « l’observation des praticiens en action » :
"(…) Schön montre que nos actions comportent non seulement une part de connaissances en acte, mais une part de réflexion en acte (reflexion-in-action). En effet, le praticien ajuste parfois son action au fur et à mesure de son exécution (…), sans pouvoir expliquer ce qu’il fait pour réaliser cet ajustement ni comment il le fait. Ces différents travaux tentent à prouver l’existence de connaissances immédiates, c’est-à-dire directement utilisées dans l’action, sans que le sujet ait conscience de leur existence ni de leur mode d’acquisition.”[20]
Cette façon de concevoir un certain type de connaissance et de réflexion mises en œuvre de manière directe dans l’action me permet de pointer ce qui me semble être le mode de fonctionnement privilégié des danseur·euse·s improvisatrices-improvisateurs. La partie suivante tente d’articuler plus précisément ce que je vise lorsque je dis que « je danse ».
3. AVEC TACT
Je disais en introduction que je désigne par le mot spectTACTrice le type de disposition dans lequel je me trouve absorbée lorsque je m’active en frontalières dans le laboratoire portable tisser mille gestes mineurs. Ce terme me permet de mettre en évidence ce que je vise, lorsque je danse, puis lorsque j’essaie de laisser l’expérience se traduire dans le langage articulé :
atteindre, rejoindre, se remémorer ce lieu de l’expérience
où des registres de présence duals se mêlent jusqu’à se confondre
en un ressenti d’absence de différenciation
entre intérieur et extérieur,
entre soi et un objet.
Dans specTACTrice, il y a spectatrice, il y a actrice, et puis il y a tact.
J’écris TACT en lettres majuscules pour mettre en évidence le fait qu’une dimension s’éclaire dans mon vécu comme si elle était là en premier et sans interruption, telle une nappe phréatique qui s’écoulerait continuellement en-dessous des autres modalités sensorielles. Cette dimension est ressentie sur un mode qui s’apparente plus au sens tactile qu’aux autres modalités sensorielles. Pourtant l’expérience que j’en fais m’indique aussi que cela ne correspond pas exactement à l’un ou l’autre des modes caractéristiques du sens du touché : je n’y reconnais ni tout à fait une perception cutanée, dite parfois passive, ni réellement une perception haptique[21], dite aussi active en ce qu’elle implique une mise en disposition et en mouvement dans l’exploration par le toucher. Je me demande si ce que cette attitude hybride de specTACTrice me permet de toucher dans la texture du réel a quelque chose à voir avec ce que Steve Paxton désigne dans l’ouvrage Gravity en tant que "mentalité devenue sensorielle" [« Mentality has become sensorial. »][22].
Le mot tact s’entremêle ici entre deux mots qui fusionnent en devenant une forme autre, un peu comme se trame la présence attentive lorsqu’elle entre en contact, en dansant, avec le milieu environnant. Cette épaisseur de l’expérience de danser, il est bien difficile de la cerner, de la délimiter, d’en rendre compte dans le langage verbal. Il me semble plus prudent de localiser approximativement le territoire de danser, qui se trouverait quelque part à l’intersection des registres d’activité poïétique et esthésique, et des modes de perception sensorielle 'actif et passif' [qui se déclinent en 'voir / être vu', 'se mouvoir / être mû', 'toucher/ être touché', etc.]. Le « sens ressenti »[23] dans le type de situations de danse que je pointe est de l’ordre d’un registre de présence intermédiaire, ni de l’ordre de l’activité ni de l’ordre de la réceptivité, et les deux à la fois ; comme si ça se passe, ça se déroule à travers moi, sans moi, mais en même temps je suis bien là en train de ressentir cette situation ‘de l’intérieur’, sans pouvoir dire où commence le dedans ni le dehors de ce qui se vit.
4. SOLUBILIS
Ces variations dans la présence attentive que je tente d’articuler ici, sont mises en lumière de façon très précise par Claire Petitmengin dans un article récent :
"L’exploration minutieuse de cette dimension de l’expérience où la frontière entre esprit et corps se dissout montre qu’elle n’est pas située en nous-mêmes, dans un espace “intérieur” individuel et privé, séparé de l’espace “extérieur” par une frontière rigide. Ordinairement, nous nous percevons comme des individus, des “sujets” nettement séparés des “objets” extérieurs qui nous entourent et constituent notre “environnement”."[24]
Elle donne ensuite l’exemple d’une marche pendant laquelle elle découvre un paysage et en reconnait tout de suite les composantes en termes de catégories d’objets, ici : « des bouleaux, un ruisseau ». Elle localise ces éléments du paysage d’abord en prenant comme référent la situation de son corps à un endroit précis du territoire, situation qu’elle désigne en tant que « point de vue ». Puis elle nous invite à changer avec elle de perspective, non pas physiquement ou mentalement, mais par un changement concret dans notre activité attentionnelle, pour atterrir dans « une autre manière de regarder »[25] :
l’attention se défocalise et le paysage ne se donne plus en tant qu’objets reconnaissables aux contours clairement délimités, et séparés par des distances mesurables. La défocalisation de l’attention permet d’accéder plutôt à l’expérience de découvrir un paysage en « contrastes d’ombres et de lumières » et en nuances colorées. Puis Claire Petitmengin nous propose de nous déplacer à nouveau, toujours sans changer de place sur le territoire, et en « adoptant un mode d’attention encore plus ouvert, diffus, réceptif »[26]. De cette façon nous dit-elle :
"je peux aussi laisser le paysage venir à moi, me laisser « toucher » par lui. Au lieu d’aller chercher des objets là-bas, je laisse les couleurs, les formes, les mouvements, les sons venir à moi. Je laisse l’atmosphère, le rythme particulier qui émanent du paysage m’imprégner, un peu comme le ferait un parfum, ou une musique. Le paysage n’est plus une étendue qui se présente à ma vue comme un beau spectacle (…) Il n’est plus regardé, mais ressenti, et ce ressenti dissout la limite entre lui et moi."[27]
Danser ne se distinguerait pas vraiment du champ d’autres pratiques qui mettent en jeu un certain type de présence attentive, et en serait plutôt une des variations possibles. A ce sujet, je me laisse disparaitre derrière Lisa Nelson, indispensable éclaireuse de chemins, qui rappelle que cette faculté d’être attentive est d’abord un bien commun :
"L’une des choses que j’ai dit aimer regarder est l’attention des gens, car c’est ce que j’ai l’impression d’étudier : l’attention. Nous lisons l’attention à travers les yeux plus que toute autre chose. Nous sommes des experts, nous sommes des lecteurs virtuoses de l’attention de l’autre. La base de la conversation, de toute sorte de dialogue, est de suivre l’attention. (…) Je pense à cela comme à un langage : la chorégraphie de l’attention."[28]
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NOTES
[1] Donna Haraway [dans un article paru sous le titre « Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene : Making Kin » in Environmental Humanities, vol. 6, 2015, p. 159-165, puis à nouveau comme quatrième chapitre de Staying with the Trouble : Making Kin in the Chthulucene, Durham, Duke University Press, 2016, ici dans Multitude 65, p.77 à la note de bas de page (8)] écrit : « Le suffixe « -cène » prolifère ! Je m’aventure aussi dans cette surabondance parce que je suis sous l’emprise des significations profondes de -cène / kainos, à savoir l’épaisse temporalité, fibreuse et grumeleuse, ancienne et présente, du « maintenant ». »
[2] Manning, E. (2015). “10 Propositions for a Radical Pedagogy, or How To Rethink Value.” p.202. Inflexions 8, Radical Pedagogies. 202-210.www.inflexions.org. Traduction libre et approximative.
[3] « En 1999, Francisco J. Varela avait, comme Nico Dockx, été invité par Hans Ulrich Obrist et Barbara Vanderlinden à participer à l’exposition Laboratorium à Anvers, qui proposait une juxtaposition des lieux de travail des artistes et des scientifiques. Francisco Varela avait alors proposé un Laboratoire Portable, invitation faite à chacun d’être son propre laboratoire, c’est-à-dire le chercheur, en première personne, de son esprit/expérience propre. » Source : https://lapsychedelunivers.wordpress.com/a-propos/
[4] Voir page 'terrains' de ce site pour la déclinaison de t_g_m_g en projets actuels et archives.
[5] J’emploie les termes « arts de l’attention » depuis 2015 pour désigner les différents champs d’activité désignés ci-dessus, que je convoque lorsque je m’active sous l’identité de travail les frontalières ; c’est seulement quelques temps après avoir commencé à employer ces termes de cette façon-là dans mon terrain de pratiques quotidiennes, que j’ai découvert par co-incidence l’usage qu’en fait Anna Lowenhaupt Tsing ( « art of noticing ») dans l’ouvrage Le champignon de la fin du Monde, Sur les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme (2015 ; 2017 pour la version en français).
[6] Identité de travail générée durant l’été 2013 dans une forêt de bouleaux entre les troncs desquels j’avais entreposé une planche qui me servait de bureau provisoire ; ‘les frontalières’ fait référence à un passage de l’ouvrage de François Roustang Savoir attendre, Pour que la vie change que je lisais à ce moment-là.
[7] Du grec ancien ποίησις / poíēsis, « oeuvre, création, fabrication ».
[8] Du grec ancien αἴσθησις, aísthêsis, « sensation ».
[9] Je passe du temps avec ce mot hybride plus loins dans ce texte.
[10] Paxton, S., Van Imschoot, M. (2020). "Conversations in Vermont, 1: On Improvisation, 1h 04' 09”," enregistré le 10/05/2001, Mad Brook Farm, Vermont ; http://www.conversationsinvermont.net/stevepaxton/1-on-improvisation.html.
[11] Manning, E., Massumi B. (2018). Pensée en acte, vingt propositions pour la recherche-création, ArTeC + Les Presses du réel.
[12] Le Guin, U. K., « La théorie de la fiction-panier » [1986], trad. fr. Aurélien Gabriel Cohen, https://www.terrestres.org/2018/10/14/la-theorie-de-la-fiction-panier/, cité dans le cours d’Aline Wiame Arts et philosophie 1.
[13] Haraway, D. (2015). Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene : Making Kin, Environmental Humanities, vol. 6. 159-165. Et aussi en tant que quatrième chapitre de Staying with the Trouble : Making Kin in the Chthulucene, Durham, Duke University Press, 2016, ici dansMultitude 65, p.77.
[14] Je différencie 1) les danseur·euse·s improvisatrices-improvisateurs qui pratiquent l’improvisation comme discipline en danse en tant que telle, en contextes de performance, d’entraînement et de co-élaboration divers (‘jams', ‘labos', ‘recherche-création’, etc.), 2) des danseur·euse·s / chorégraphes qui emploient l’improvisation comme un moyen pour extraire de la matière à un moment donné d’un processus d’écriture chorégraphique, dont le produit final n’est pas une performance en improvisation. Lorsque j’évoque dans la suite du texte les « danseur·euse·s improvisatrices_teurs » je fais systématiquement référence au premier de ces deux groupes. Nombre de danseur·euse·s improvisatrices-improvisateurs appartiennent en fait à ces deux groupes, qui ne sont pas vraiment deux groupes séparés qui s’affronteraient en duel. Je distingue ici deux groupes simplement pour délimiter ce que je vise. Il me semble important de rappeler ce que cela veut dire pour les danseur·euse·s, ce que cela implique comme prise de risque, de devenir improvisatrice_teur dans un système [des industries et des institutions] qui considère qu’on peut vendre de la danse. Comment penser en acte, comment improviser entre les lignes d’un système qui s’alimente de résultats, tandis que les processus qui y mènent leurs restent subordonnés ?
[15] Van Imschoot, M. , Engels, T., Paxton, S., Nelson, L. (2020). Résumé du travail des Conversations in Vermont : « Myriam Van Imschoot a interviewé les deux artistes au tournant du millénaire, alors qu'elle travaillait en tant que spécialiste de la danse dans le cadre d'un doctorat, et qu'elle étudiait le rôle de l'improvisation sur la scène avant-gardiste new-yorkaise des années 1960 jusqu'au regain d'intérêt européen pour l'improvisation dans les années 1990. Parmi les nombreuses personnes qu'elle a interrogées à l'époque, elle a trouvé en Lisa Nelson et Steve Paxton deux interlocuteurs capables de la guider dans le champ de mines conceptuel de la pensée en improvisation. (…) Plus de 15 ans plus tard, Van Imschoot a invité l'écrivain et éditeur Tom Engels à collaborer à la publication de ces documents de recherche d'une manière qui maintiendrait l'oralité au centre. » Traduction libre et approximative du texte original disponible ici : http://www.conversationsinvermont.net
[16] Paxton, S., Van Imschoot, M. (2020). "Conversations in Vermont, 1: On Improvisation, 1h 04' 09”," op. cit. http://www.conversationsinvermont.net/stevepaxton/1-on-improvisation.html
[17] Idem.
[18] Idem.
[19] Claire Petitmengin est Professeur émérite à l'Institut Mines-Télécom Business School et Membre associé des Archives Husserl (ENS, Paris). Ses « recherches actuelles portent sur l'expérience vécue et sur les méthodes "micro-phénoménologiques" permettant d'en prendre conscience et de la décrire. » Extrait de : https://clairepetitmengin.fr/pr-sentation-2
[20] Petitmengin, C., L’experience intuitive, L’Harmattan, 2001, p.49.
[21] Du grec ἅπτομαι (haptomai) : « je touche ».
[22] Paxton, S. (2018). Gravity, Contredanse Editions, p.72.
[23] Traduction libre de l’expression “Felt sense”, issue du vocabulaire généré par Eugène Gendlin dans l’approche du Focusing. L’expression complète est “bodily felt sense” traduit souvent par “ressenti corporel” et littéralement “sens ressenti corporellement”, indiquant un ancrage corporel de l’expérience vécue et sa dimension siginifiante.
[24] Petitmengin, C. (2020). "S’ancrer dans l’expérience vécue comme acte de résistance", p.3. [Texte en français partagé dans le contexte du Séminaire du Labo de Micro-phénoménologie qui s’est tenu du en ligne du 25 au 29 mai 2020 et qui portait sur le thème suivant : « Le rôle de la recherche et de la pratique micro-phénoménologique dans les problèmes écologiques cruciaux que notre société rencontre ». J’ai d’abord consulté la version de ce texte publiée en anglais : Petitmengin C. (2021). "Anchoring in lived experience as an act of resistance". Constructivist Foundations 16(2). 172–181. https://constructivist.info/16/2/172. La version en français m’a été transmise par Jean-Philippe Arias Zapata (Doctorant contractuel en philosophie, ICAR - Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations - UMR 5191 CNRS, ENS de Lyon, Université Lyon 2).]
[25] Idem, p.4.
[26] Idem.
[27] Idem.
[28] Nelson, L., Van Imschoot, M. (2020). "Conversations in Vermont. Attention, 16,57’, enregistré le 23-04-2001, dans une maison à North Bennington, Vermont". http://www.conversationsinvermont.net/lisa-nelson/attention.html. Traduction libre et approximative.